La forêt du peuple Awyu menacée par une décision de justice en Papouasie

Quatre Papous en tenue traditionnelle devant le tribunal « Nous allons faire appel ! » affirment les Papous devant le tribunal
 de Jayapura (© Pusaka) Carte de la Papouasie Le district de Boven Digoel est en première ligne de l’exploitation de l’environnement (© Sauvons la forêt) Nuages et brouillard sur la forêt vierge de Boven Digoel en Papouasie (Indonésie) Source de vie pour les Papous, trésor de biodiversité, lueur d’espoir pour le climat : la forêt tropicale de Boven Digoel (© Pusaka)

24 nov. 2023

Le tribunal de Jayapura a rejeté la plainte du peuple autochtone Awyu contre le permis octroyé à une plantation de palmiers à huile dans sa forêt en Papouasie. Porté par la solidarité mondiale, Hendrikus Woro, l’aîné des Awyu, fait appel.

"In dubio pro natura !" ("Dans le doute, privilégiez la nature !") : scientifiques, écologistes, Commission indonésienne des droits humains et Mouvement pour la forêt tropicale de Papouasie ont demandé au tribunal de se prononcer selon de ce principe juridique. Le tribunal devrait prendre en compte les droits des populations autochtones, la protection de l’environnement et la crise climatique dans son jugement « afin de garantir la pérennité de la forêt en tant que source de vie pour les Papous ». 

La plainte environnementale et climatique avait été déposée en mars 2023 par Hendrikus Woro, un indigène du peuple Awyu. Le procès, dont l’enjeu est la préservation de la forêt de Papouasie, la partie indonésienne de l’île de Nouvelle-Guinée, a duré sept mois.

Hendrikus Woro a porté plainte contre l’octroi d’un permis environnemental à une plantation de palmiers à huile de la société Indo Asiana Lestari, qui autorise le déboisement de 36 000 hectares de la forêt tropicale des Awyu, sans le consentement de ces derniers, dans l’une des plus vastes et des plus denses zones forestières d’Asie du Sud-Est, où vivent kangourous arboricoles et autres paradisiers.

La vague de solidarité pour les Awyu a été impressionnante : 267 organisations, parmi lesquelles Sauvons la forêt, et personnes du monde entier, dont les Ka`apor de la lointaine Amazonie, ont interpelé le tribunal (voir plus bas notre un extrait de notre lettre de solidarité en anglais).

Le 2 novembre, le tribunal a rejeté la plainte. « La décision du juge envoie un mauvais signal et constitue un recul en matière de protection de l’environnement et pour le peuple indigène Awyu, qui se bat pour protéger sa forêt traditionnelle de la menace de déforestation par les entreprises d’huile de palme », a déclaré notre organisation partenaire Pusaka.

Le tribunal a fondé sa décision sur une simple lettre émanant d’une organisation qui ne représente pas les Awyu et qui n’est donc pas habilitée à se prononcer sur le devenir de ses forêts. « Cette décision ignore le principe du consentement libre, préalable et éclairé des communautés concernées », a déclaré Tigor Hutapea, membre de l’équipe juridique des Awyu.

Hendrikus Woro est déçu et attristé par le verdict injuste du tribunal, mais il est déterminé à poursuivre sa lutte pour les terres autochtones et l’environnement. Emanuel Gobay, de son équipe juridique, a déclaré : « Nous faisons appel, car les droits des Papous ont été ignorés et bafoués. La décision du tribunal viole les droits autochtones et humains garantis par la Constitution. »

La plainte environnementale et climatique s’appuie sur deux constats : les informations n’ont pas été rendues publiques, ni sur les entreprises et les permis qui leur ont été délivrés, ni sur l’emplacement et la taille des zones de concession. Il y a eu, en outre, la violation du droit au consentement des populations autochtones. Et les Awyu n’ont pas participé à l’étude d’impact environnemental.

Selon l’un des représentants légaux, « le tribunal a ignoré le principe "in dubio pro natura", qui signifie que lorsque les preuves sont douteuses, le tribunal devrait donner la priorité à la protection de l’environnement. »

Deux organisations partenaires, Pusaka et Walhi Papua, font appel aux côtés de Hendrikus Woro, car « ce procès est crucial pour l’avenir de la forêt tropicale de Papouasie, qui est la source de vie des Papous. »

Lettre ouverte au tribunal de Jayapura (extrait)

1. We are submitting this open letter for the sake of justice of the environmental defender, Hendrikus Woro, who is fighting for the Woro Clan and Awyu Tribe, the Plaintiff in the environmental and climate change case Number 6/G/LH/2023/PTUN.JPR of the Jayapura State Administrative Court (PTUN). The lawsuit concerns an environmental permit issued by the Papua Province Investment and One-Stop Integrated Service Office for palm oil company PT Indo Asiana Lestari (PT IAL).

2. That Hendrikus Woro as the plaintiff is the leader of the Woro clan, part of the Awyu tribe. The Woro clan lives in Yare Village, Fofi District, Boven Digoel. He filed this lawsuit because the local government allegedly withheld information about PT IAL’s licences, whose concessions would annex their customary territory;

3. That the environmental feasibility permit issued by the Papua Province Investment and One Stop Open Service Office for palm oil company PT Indo Asiana Lestari (PT IAL) is based on a problematic Environmental Impact Assessment (EIA), ignores the existence of indigenous peoples as customary territory owners, and is substantially flawed because it is not accompanied by a conservation analysis. So that it can potentially lead to environmental damage and loss of indigenous peoples' rights;

4. That the issuance of PT IAL’s environmental feasibility permit allegedly violates laws and regulations, namely Government Regulation Number 22 of 2021 concerning the preparation of EIA, and is contrary to Law Number 32/2009 concerning Environmental Protection and Management;

5. PT IAL’s environmental permit is expected to trigger deforestation in an area that is mostly primary dry forest covering 26,326 hectares. The granting of licences to palm oil companies is also not in line with the government’s promise to tackle climate change. In the Enhanced Nationally Determined Contribution (ENDC), the government is committed to reducing greenhouse gas emissions by 31.89 per cent on its own and 43.20 per cent with international support by 2030.

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