Le marché carbone menace les îles Aru en Indonésie

Vue aérienne sur des boisées en Indonésie Aru en Indonésie : 800 îlots de calcaire séparés par des bras de mer (© Forest Watch Indonesia) Carte satellite Nouvelle-Guinée - Îles Aru - Australie Localisation des îles Aru, entre la Nouvelle-Guinée
 et l’Australie (© Google Earth 2023) Illustration représentant une manifestation avec des personnes tenant une bannière sur laquelle est écrit le message "Save Aru" Sauvez les îles Aru ! (© Forest Watch Indonesia)

15 déc. 2023

Des négociants en carbone veulent brader l’une des dernières forêts tropicales intactes aux îles Aru, entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée. La coalition #SaveAru, à laquelle participe Sauvons la forêt, demande au ministère indonésien de l’Environnement et des Forêts de suspendre le processus d’octroi de licences.

Le groupe Melchor tente de mettre en place le projet "Cendrawasih Aru", un système d’échange de droits d’émission de carbone dans une zone de près de 600 000 hectares dans les îles Aru. L’entreprise forestière PT Wana Sejahtera Abadi a également obtenu un permis pour 56 000 hectares.  Ces certificats permettent aux entreprises de compenser (sur le papier) leurs émissions de CO2. Les communautés locales et le mouvement #SaveAru sont alarmés.

Il s’agit de la quatrième offensive contre les forêts des îles Aru au cours des trente dernières années. Jusqu’à présent, les insulaires ont réussi à toutes les repousser. Le mouvement #SaveAru s’est renforcé en 2013 afin de s’opposer à un projet de conversion de trois quarts des terres en monoculture de canne à sucre. En 2018, il est parvenu à stopper l’entreprise Jhonlin d’élever du bétail sur 65 000 hectares.

En 2022, des représentants du groupe Melchor sont venus sur les îles, soi-disant pour des projets d’élevages de crabes et de cultures d’algues dans les mangroves. La population locale les a rejeté, car elle sait que la perturbation du fragile écosystème peut avoir de graves conséquences.

L’idée de préserver la forêt et de vendre des crédits carbone peut sembler bonne à première vue, mais elle ne tient pas compte de beaucoup d’aspects. Les forêts des îles Aru ne sont pas vides mais habitées par des personnes qui ont mis au point un système sophistiqué et éprouvé pour exploiter et préserver leurs forêts entièrement dépendantes de la pluie et dépourvues de sources d’eau douce.

 

Grâce aux connaissances approfondies et à la résistance déterminée  des autochtones,  ce territoire riche en biodiversité et fragile écologiquement abrite encore 75% de forêt tropicale et 17% de mangroves.

Un projet mal conçu et motivé par l’argent ignorerait les réalisations des autochtones d’Aru. Il détruirait rapidement leur système, leur culture et leur identité. Il ouvrirait également la forêt aux spéculateurs.

Le projet témoigne également de connaissances insuffisantes concernant les particularités écologiques et géologiques d’Aru, dont les îles essentiellement calcaires ne sont séparées que par d’étroits bras de mer, où le paysage donne l’impression qu’il s’agirait d’une zone forestière traversée par des rivières. En réalité, il n’y a pratiquement pas d’eau douce. La flore et la faune sont similaires à celles de l’Australie, avec notamment des kangourous arboricoles et des paradisiers.

En Indonésie, la location de terrain et l’attribution de concessions forestières ne reposent pas sur les bases essentielles que sont la reconnaissance des droits humains, autochtones et fonciers. Faire des affaires sans cette base juridique peut être considéré comme malhonnête.

L’exploitation forestière illégale et le trafic d’animaux sauvages par des bandes organisées sont de plus en plus problématiques. Nos partenaires du groupe environnemental Urai Uni documentent presque quotidiennement l’abattage illégal du précieux bois de merbau. Ils observent également le passage de nombreux bateaux provenant du sud de la Papouasie et dont la cargaison de bois tropical est probablement destinée au marché mondial via Surabaya, la Malaisie et la Chine.

Déclaration de la coalition #SaveAru

 

La coaltion #SaveAru, à laquelle participe Sauvons la forêt, demande des premières mesures concrètes au ministère des Forêts :

  • L’arrêt des activités et le retrait du permis l’entreprise forestière Wana Sejahtera Abadi.
  • La suspension du processus d’octroi de licences aux filiales du groupe Melchor, PT Bumi Lestari Internasional et PT Alam Subur Indonesia.
  • La révision des règles définissant les "zones forestières", en particulier pour les îles Aru.
  • La réalisation d’un audit des permis et concessions liés aux ressources naturelles dans la province de Maluku et, en cas de non-respect, des sanctions ou le retrait du permis.

Source : déclaration de la coalition #SaveAru (en indonésien et en anglais)


  1. groupe Melchor

    Le groupe Melchor est composé de quatre grandes entreprises : Perisai Alam Sejahtera, Muller Karbon Kapital, Indonesian Oxygen Chain (ROXI) et Melchor Artha Lestari. Les filiales PT Bumi Lestari Internasional et PT Alam Subur Indonesia ont entre-temps obtenu une pré-licence du gouverneur pour 119 000 hectares.

  2. particularités écologiquesPour en savoir plus sur l’écologie des forêts d’Aru et les menaces qui pèsent sur elles, consultez notre document de référence (en anglais) :  The 4th threat wave of forest in Aru Islands

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