L’Indonésie prétexte du Covid-19 pour exporter son bois illégal

Troncs d’arbres coupés Le bois tropical abattu illégalement en Indonésie bientôt de retour sur le marché mondial ? (© Feri Irawan)

6 avr. 2020

Un désastre pour la forêt tropicale, les animaux sauvages et les autochtones et un choc pour les écologistes et l’UE : l’Indonésie souhaite de nouveau exporter le bois tropical abattu illégalement à partir de mai 2020, soi disant pour soutenir sa filière bois mise à mal par la crise du coronavirus…

L’Indonésie veut à nouveau autoriser l’exportation de bois tropical illégal et anéantir ainsi les progrès réalisés après des décennies de protestations et de négociations. Comme le rapportent le site Mongabay et l’Environmental Investigation Agency (EIA), le ministère du commerce a décidé que le bois et ses produits dérivés n’auraient plus besoin d’un label certifiant de leur légalité à partir du 27 mai 2020. La porte vers l’export de bois tropical illégal serait de ce fait à nouveau grande ouverte.

Par ce décret, l’Indonésie entendrait épauler sa filière bois mise à mal par la crise du coronavirus, comme il en ressort d’une déclaration du ministère du commerce. Pour Sauvons la forêt, il s’agit là d’une tentative de l’industrie du bois d’exploiter la pandémie de Covid-19 à ses propres fins. Ce faisant, le gouvernement et l’industrie du bois semblent oublier que les forêts, une fois détruites, sont la source de nombreuses maladies virales.

Dans une lettre ouverte au Président Joko Widodo, des organisations environnementales indonésiennes demandent la révocation d’un décret qu’elles estiment en violation de lois et d’accords internationaux, portant atteinte à la réputation de l’Indonésie et réduisant à néant tous les progrès accomplis en matière d’exploitation forestière. L’UE a également exprimé sa stupeur face à cette décision.

Depuis sa fondation, Sauvons la forêt proteste contre l’importation de bois tropical, en particulier le bois provenant de coupes illégales. En 2010, l’UE a adopté le Règlement Bois de l’Union Européenne ou EU Timber Regulation (EUTR), entré en vigueur en 2013. Celui-ci interdit l’importation de bois et de nombreux produits dérivés issus de sources illicites et énonce des obligations spécifiques de diligence aux importateurs. Bien que le règlement comporte des lacunes et que les contrôles des autorités soient jusqu’à présent encore insuffisants, il marque un pas important dans la bonne direction auquel de nombreux pays exportateurs ne peuvent pas non plus se soustraire.

Depuis des décennies, l’Indonésie est l’un des principaux partenaires commerciaux de l’UE pour le bois tropical. Entre 12% et 15% de ses produits dérivés du bois sont exportés vers l’UE. Pendant des années, seul un cinquième de ces produits est provenu d’une coupe autorisée. Loin de signifier que le bois « légal » ne porte pas préjudice à la forêt tropicale, ces chiffres montrent à quel point le commerce du bois peut être insensé et impitoyable.

Le plan d’action FLEGT de l’UE

Avec le plan d’action FLEGT (Forest Law, Governance and Trade) ou «  Programme pour l’application des règlementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux », l’UE entend contrer l’abattage illégal de bois par le biais d’un nouveau règlement. Le FLEGT doit permettre de garantir la légalité du bois tropical importé. Il n’est pas conçu comme un outil de lutte contre la déforestation. Le FLEGT repose sur des accords de partenariat volontaire (APV) entre l’UE et différents États exportateurs de bois.

Avant que l’APV liant l’Indonésie et l’UE n’entre en vigueur en 2014, les protestations et les négociations ont duré plus de dix ans. Depuis janvier 2017, du bois certifié FLEGT en provenance d’Indonésie alimente le marché allemand.

En Indonésie, la certification est effectuée à l’aide du système de contrôle SVLK (Sistem Verifikasi Legalitas Kayu), permettant de confirmer la légalité du bois. Toutefois, cette norme n’inclut pas des garanties écologiques et sociales. De plus, le système de contrôle est en réalité encore souvent peu fiable et ne garantit pas systématiquement la « légalité » du bois tropical. Une fois arrivé dans les ports européens, le bois certifié SLVK peut passer la douane en coup de vent, sans aucun contrôle supplémentaire.

Les organisations environnementales indonésiennes et européennes ne sont donc aucunement satisfaites de ce système. Il en va tout autrement pour les négociants de bois et les responsables politiques européens : le FLEGT et le système SVLK leur est avantageux car ils facilitent l’importation et musèlent les protestations.

Force est de reconnaître que l’Indonésie a fait des efforts pour endiguer l’abattage illégal de bois et que le secteur forestier a connu quelques améliorations.  Aujourd’hui, la plupart des États exigent un label SVLK et l’Indonésie ne peut autoriser du bois non certifié SVLK que de manière limitée. Un certain contrôle est possible, également par des associations écologistes. Cependant, tout cela a surtout redoré le blason du bois tropical provenant d’Indonésie.

Cette nouvelle mesure annoncée par le gouvernement indonésien de faire l’impasse dès la fin du mois de mai sur un label de légalité est donc absolument inacceptable. Sauvons la forêt demande à l’Indonésie de révoquer immédiatement cette décision. L’UE doit sans attendre signifier clairement son rejet de ce type de bois dans son marché intérieur.

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