Banque mondiale : la palme du discrédit au Honduras

Photomontage. Au premier plan, des dollars de la Banque mondiale tachés de sang- À l'arrière plan, vue aérienne sur une monoculture de palmiers à huileLes dollars de la Banque mondiale financent les déserts verts de palmiers à huile au Honduras
66 944 signatures

15 millions de dollars : c'est la première moitié d'un prêt que la Banque mondiale a versé au Groupe Dinant, un producteur d'huile de palme impliqué dans de nombreux meurtres et violents conflits sociaux au Honduras. Malgré une enquête interne toujours en cours, la banque pourrait verser le reste de ce prêt inadmissible. 

Appel

M. Jim Yong Kim, Président de la Banque mondiale

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Par le biais de la Société financière internationale (IFC), la Banque mondiale a octroyé un prêt de 30 millions de dollars US à la Corporación (ou groupe) Dinant, le plus gros producteur d'huile du palme du Honduras. En novembre 2009, juste après le putsch militaire ayant renversé le président élu démocratiquement Manuel Zelaya, la banque a versé la première moitié de ce crédit à l'entreprise… dont le propriétaire Miguel Facussé avait activement soutenu le coup d'état !

Les conflits liés aux plantations de palmiers à huile de Dinant remontent aux années 70. Depuis le putsch militaire de 2009, la région a été fortement militarisée, les communautés violemment expulsées. Dinant et d'autres producteurs d'huile de palme sont impliqués dans le meurtre de 88 paysans dans la vallée de l'Aguán. Les assassinats continuent à être perpétués en toute impunité. Le nombre total des victimes du conflit est estimé à 109. 

Malgré cette violence avérée, la Banque mondiale vient de procéder en février 2013 à une mise à jour édifiante de la description du projet de crédit accordé au groupe Dinant sur sa page internet : « Dinant comprend l'importance d'avoir de bonnes relations avec les communautés locales et est particulièrement actif sur ce point ». 

Suite à une plainte déposée par des organisations de défense de droits de l'homme, un audit interne est en train d'être réalisé par le Bureau des plaintes de la Banque mondiale (CAO). Pourtant, les compétences du CAO étant très limitées, il est à craindre que celui-ci ne puisse entraver le versement de la seconde moitié du crédit au groupe Dinant.

La Banque mondiale se discrédite par ce prêt qui offre des capacités financières et de la légitimité internationale au groupe Dinant. Demandons à son président d'annuler ce prêt inadmissible !


Contexte

 

Miguel Facussé, propriétaire et directeur du groupe Dinant est un des hommes d'affaires les plus riches et les plus puissants du Honduras. Au début des années 90, son entreprise a commencé à s'approprier de vastes zones dans la vallée de l'Aguán, des terres qui avaient été promises aux communautés paysannes lors de la réforme agraire. Selon un avocat défenseur des droits de l'homme, « trois grands propriétaires terriens ont acquis par la fraude, la coercition et la violence 73,4% des terres qui auraient du revenir aux paysans dans le cadre de la réforme agraire dans la vallée de l'Aguán » entre 1992 et 1994. Le Groupe Dinant, un des propriétaires terriens évoqués par l'avocat, possède à ce jour 22.000 hectares de ces terres fertiles. 

En 2009, le président hondurien Zelaya avait promis d'octroyer des titres de propriété foncière aux communautés paysannes du Bajo Aguán . Un peu plus tard cette même année, le président Zelaya a été renversé par un coup d'état militaire condamné par la communauté internationale et qui avait vu le Honduras exclu de l'Organisation des États américains (OEA). 

Miguel Facussé a fortement soutenu ce putsch : c'est dans son avion personnel que le président Zelaya a été expulsé de son propre pays ! Facussé a grandement profité du putsch militaire entre autres par l'annulation de la promesse du président Zelaya de restituer leurs terres aux paysans, dont certaines sont occupées par le Groupe Dinant. Les communautés n'ont plus eu d'autre choix que d'occuper pacifiquement ces terres.

Depuis le coup d'état, 88 paysans ont été assassinés dans le conflit avec le groupe Dinant et les autres producteurs d'huile de palme présents. Les communautés paysannes sont expulsées par la force. La région est occupée en permanence par l'armée, la police et les forces de sécurité armées de Facussé. Les témoignages oculaires concordent pour affirmer l'implication de l'armée privée de Facussé dans les meurtres, les enlèvements et les atteintes aux droits de l'homme dans la vallée de l'Aguán. Au Honduras, ces violations faites aux droits humains sont commises en toute impunité. 

Prêts de la Banque mondiale pour l'industrie de l'huile de palme

La Banque mondiale, dont la devise est « Œuvrer pour un monde sans pauvreté », finance l'essor de l'industrie de l'huile de palme à travers le monde depuis près de 50 ans. Un milliard de dollar US ont été investis depuis 1965 par la Banque mondiale et ses filiales, telles la Société financière internationale (IFC), dans les plantations de palmiers à huile et autres usines de traitement. Ce faisant, la Banque mondiale a non seulement fait s'accélérer la déforestation mais aussi causé le déplacement des populations locales. La conséquence en est des centaines de conflits fonciers.

Suite aux plaintes d'organisations de défense des droits de l'homme et de protection de l'environnement, la Banque mondiale a suspendu en 2009 tout financement à l'industrie de l'huile de palme. Dans les mois suivants, elle a formulé une nouvelle stratégie concernant l'huile de palme. Celle-ci est active depuis le printemps 2011. 

Le prêt de la Banque mondiale au groupe Dinant a été accordé juste avant le putsch militaire. Mais son versement a eu lieu après celui-ci en novembre 2009, au moment où la situation dégénérait et les violations des droits de l'homme se multipliaient. Dans le dossier d'octroi de crédit, la Banque mondiale considère qu'il n'existe pas de conséquences sociales significatives, quand bien même les forces de sécurité du groupe Dinant s'élèvent à 300 personnes armées et que les conflits fonciers étaient connus.

Le prêt de la Banque mondiale a aidé Facussé et les putschistes à obtenir la reconnaissance internationale à un moment où l'Organisation des États américains lui demandait de reconsidérer leur relation avec le Honduras. En finançant une installation de biogaz dans une de ses usines, l'huile de palme du groupe Dinant se voit attribuée les « normes de durabilité » de l'Union européenne pour les agrocarburants, des normes qui ne prennent pas en compte les violations faites aux droits de l'homme. Dans le cadre de son emprunt, le Groupe Dinant avait pour obligation de signaler les éventuels impacts sociaux négatifs de son projet. Malgré les preuves accablantes qui s'accumulent pour documenter la participation de l'entreprise dans des dizaines de meurtres, le crédit n'a jamais été annulé. 

 

Informations supplémentaires

en français 
• Article du Monde Diplomatique  Au Honduras, les uns comptent leurs dollars, les autres leurs morts
• Article de Courrier International  Honduras - Sous les palmiers, la révolte des paysans sans terre
• Article de Latino docs  Informer et résister au Honduras
• Article d'Awid  Les violations des droits humains commises au Honduras représentent actuellement une menace pour les femmes défenseures des droits humains
• Article de FIAN International  Violations des droits humains en Honduras: banque publique allemande retire financement
• Reporter sans frontières  Présentation du prédateur Miguel Facussé Barjum

en anglais
• Dossier de Rights Action  Human Rights Violations Attributed to Military Forces in the Bajo Aguan Valley in Honduras
• Projet de crédit accordé à Dinant par la Banque mondiale  Corporacion Dinant S.A. de C.V. - ENVIRONMENTAL & SOCIAL REVIEW SUMMARY
• Rapport d'évaluation du CAO  CAO Appraisal for Audit of IFC - Corporación Dinant S.A. de C.V. 
• Communiqué du CAO  Audit of IFC’s Environmental and Social Performance in relation to Dinant, Honduras
• Article d'Al Jazeera  Honduran campesinos in the crosshairs
• Bande-Annonce du film Resistencia - When a military coup ousted the only president that ever supported them, they occupied the plantations...and these farmers aren't going anywhere

 

Destinataires de la pétition

En plus de signer la pétition, il vous est possible de contacter directement son destinataire :
 
M. Jim Yong Kim, Président du Groupe de la Banque mondiale et Président du Conseil des Administrateurs
 
Banque mondiale
1818 H Street, NW
Washington, DC 20433 
États-Unis d'Amérique
Tél : 00 1 202 473 1000
Fax : 00 1 202 477 6391
 
Il vous est aussi possible de contacter l'administrateur pour la France auprès de la Banque mondiale:
 
M. Ambroise Fayolle, Administrateur pour la France auprès de la Banque mondiale
Fax: 00 1 202 623 4951 

EDS04@worldbank.org  

 

Lettre

M. Jim Yong Kim, Président de la Banque mondiale

Monsieur le Président,

Je suis profondément inquiet par le fait que la Banque mondiale n'ait jamais réclamé le remboursement d'un prêt de 15 millions de dollars US qu'elle avait versé en novembre 2009 par le biais de l'IFC au producteur d'huile de palme hondurien Dinant et qu'elle puisse effectuer cette année un second versement du même montant à cette entreprise.

Selon des enquêtes menées par des associations de défense des droits de l'homme, le Groupe Dinant est impliqué dans l'expulsion forcée de paysans et dans le meurtre de 88 personnes dans la vallée de l'Aguán. Ces assassinats ont été commis en toute impunité et n'ont toujours pas été élucidés. Au total, 109 personnes auraient déjà été tuées dans le cadre de ce conflit foncier.

Je pense que le cas de Dinant démontre l'inefficacité des « garanties de protection » sociale et écologique de la Banque mondiale dans le secteur de l'huile de palme. Bien que le Bureau du conseiller-médiateur pour l'application des directives (CAO) examine actuellement si la Banque mondiale a respecté ses propres normes et exercé une « diligence raisonnable » dans le prêt accordé à Dinant, je crains que le mandat de cette investigation ne soit beaucoup trop limité.

En effet cette enquête devrait répondre publiquement à des questions qui me paraissent essentielles à savoir :

+ Comment la Banque mondiale a-t-elle pu accorder un crédit à une entreprise au cœur de conflits sociaux depuis plusieurs décennies et dont le propriétaire avait soutenu un putsch militaire qui venait d'avoir lieu ?

+ Pourquoi la Banque mondiale n'a-t-elle pas tiré de conséquences face aux graves préoccupations concernant le respect des droits de l'homme et face à l'impunité généralisée au Honduras ?

+ Pourquoi le remboursement du prêt n'a-t-il pas été réclamé, alors que le groupe Dinant n'avait pas respecté les conditions du crédit en ne divulguant pas son rôle dans les meurtres et dans les atteintes faites aux droits de l'homme ?

Monsieur le Président, je vous exhorte à faire annuler le prêt octroyé par la Banque mondiale au Groupe Dinant et à lui réclamer le remboursement des sommes déjà versées. Plus généralement, je souhaite que l'institution que vous représentez n'accorde plus de prêts pour des projets touchant à l'huile de palme.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes respectueuses salutations.

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