Une COP 28 décevante et de mauvais augure pour la nature

Protestation pendant la COP 28 : "Mettez fin aux combustibles fossiles. Sauvez notre planète et notre avenir" Protestation pendant la COP 28 : "Mettez fin aux combustibles fossiles. Sauvez notre planète et notre avenir" (© COP28 / Anthony Fleyhan)

14 déc. 2023

La COP 28 s’est terminée à Dubaï sur une déception. L’urgente et nécessaire sortie des énergies fossiles n’a abouti à aucun objectif clair ou temporel. C’est une mauvaise nouvelle, en particulier pour les forêts tropicales et leurs populations.

Essayons d’abord de "positiver" : pour la toute première fois, la critique des combustibles fossiles s’est retrouvée dans l'accord final d’une COP. Celui-ci stipule que le monde doit « transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable ». « Ce résultat marque le début de la fin de l’ère des combustibles fossiles », affirme Simon Stiell, secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Malgré cela, l’accord de la COP 28 est mou, plein de lacunes et loin de ce qui serait nécessaire pour protéger le climat, à savoir l’abandon rapide du pétrole, du gaz et du charbon. Les gouvernements et les entreprises à l’origine de projets pétroliers et gaziers nocifs, par exemple dans le bassin du Congo et en Afrique de l’Est, pourraient même y voir un encouragement indirect, ce qui serait une mauvaise nouvelle pour les forêts tropicales.

Un aspect positif est la création d’un fonds de "pertes et dommages" (loss and damage). L’Allemagne a promis d’y contribuer à hauteur de 100 millions de dollars américains. Son montant total d’environ 800 millions est loin d’être suffisant, en particulier dans les pays tropicaux qui sont déjà durement touchés par la crise climatique. C’est également une mauvaise nouvelle pour les personnes vivant dans les forêts tropicales.

L’une des lacunes de l’accord est qu’il mise fortement sur des technologies qui ne n’impliquent pas de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit notamment de la capture et du stockage de carbone (CSC), un procédé extrêmement coûteux et n’étant pas encore arrivé à maturité. Parmi les fausses solutions dangereuses, il y a aussi les crédits carbone (Carbon Credits) qui peuvent conduire à un accaparement des terres à grande échelle.

L’objectif de tripler la production d'énergies renouvelables d’ici 2030 sonne bien. La question est de savoir comment il sera mis en œuvre. Car cela pourrait entraîner un boom de la biomasse, c’est-à-dire à la combustion des forêts, ce que nous voulons empêcher.

Martins Egot, président de l’organisation PADIC-Africa au Nigeria et partenaire de longue date de Sauvons la forêt, déclare à propos de la "transition" des combustibles fossiles : « Cela permet aux pollueurs de continuer leur activité aussi longtemps qu’ils le souhaitent. » Selon lui, c’est insuffisant. En ce qui concerne le soutien financier des pays pauvres, il ne « perçoit pas d’engagement fort et de volonté de la part des grands pays de soutenir cette initiative. (...) Nous avons déjà de merveilleuses politiques environnementales sur le papier, mais pas dans la pratique », continue Martins Egot. Au Nigeria, des organisations écologistes protestent quotidiennement contre les pratiques environnementales nuisibles soutenues par les gouvernements qui mènent les négociations pendant les COP.

« Les lobbyistes ont utilisé la COP 28 pour promouvoir le business du pétrole, en particulier le pays hôte. Les défenseurs de l’environnement et des droits humains ainsi que la société civile ont obtenu moins de résultats », déclare Maxwell Atuhura de l’organisation ougandaise Tasha, également partenaire de Sauvons la forêt. « La COP perd peu à peu son sens dans les combats contre le changement climatique. »

Les écologistes d’Indonésie critiquent le fait que la protection des forêts tropicales, si importantes pour le climat, n’a manifestement joué aucun rôle lors de la COP 28. Les forêts sont au contraire menacées à cause de fausses solutions climatiques telles que l’exploitation minière pour les voitures électriques ou les projets de crédits carbone. « Nous nous opposons fermement au marché des certificats carbone. Il constitue une menace pour la forêt tropicale et surtout pour les autochtones », dit Franky Samperante de Pusaka, organisation partenaire de Sauvons la forêt.

Muhammad Habibi, un autre de nos partenaires, critique le fait que les dommages climatiques causés par l’agriculture industrielle, par exemple par le défrichage de la forêt tropicale pour l’établissement de plantations, n’ont apparemment pas joué de rôle non plus dans les négociations.

À Dubaï, le sujet des forêts et de la nature a été abordé essentiellement en marge des négociations officielles. Si la déclaration finale donne comme objectif de mettre fin à la déforestation d’ici 2030, seuls deux passages font réellement référence aux forêts.

Dans des propos rapportés par The Guardian, le professeur Mike Berners-Lee de l’université de Lancaster déclare que « la COP28 est le résultat rêvé de l’industrie des combustibles fossiles, parce qu’elle ressemble à un progrès mais n’en est pas un. »


  1. PADIC-Africa

    L’organisation était jusqu’à peu nommée DEVCON.

  2. deux passages

    41. Emphasizes the importance of protecting, conserving and restoring nature and ecosystems to achieve the Paris Agreement temperature goal, including through enhanced efforts towards halting and reversing deforestation by 2030, forest restoration, and through other terrestrial and marine ecosystems acting as sinks and reservoirs of greenhouse gases and by protecting biodiversity, while ensuring social and environmental safeguards, in line with the Kunming Montreal Global Biodiversity Framework;

    42. Further notes the need for enhanced support, including through financial resources, technology transfer and capacity-building, for efforts towards halting and reversing deforestation by 2030 in the context of sustainable development and poverty eradication, in accordance with different policy approaches as per Article 5, paragraph 2 of the Paris Agreement, including joint mitigation and adaptation approaches for the integral and sustainable management of forests as an alternative to results-based payments, in the context of Article 4, paragraph 5 and Article 9 of the Paris Agreement; 

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