Les plantations ne sont pas des forêts!

Des arbres au fin tronc alignés en rang et régulièrement à perte de vue dans une monoculture industrielle au BrésilDésert eucalyptique au Brésil: les plantations ne sont pas des forêts
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L'ONU a déclaré 2011 Année internationale des forêts. A ce propos le terme de forêt est interprété de manières fort contradictoires. La FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) considère comme forêts les plantations industrielles d'arbres clonés. Les forêts sont défrichées pour aménager ces déserts verts sans que cela ne soit pris en compte comme déforestation. En conséquence, les plantations à grande échelle ne cessent de s'étendre. Demandez à la FAO de modifier sa définition du mot forêt. Les monocultures d'arbres NE SONT PAS des forêts!

Appel

Les forêts de la planète sont plus que jamais menacées et elles disparaissent à un rythme effréné.  L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), compétente au sujet des forêts, évalue année après année l'état des ressources forestières sur la Terre. A l'heure actuelle la perte mondiale en forêts est estimée à 13 millions d'hectares par an, c'est-à-dire qu'une zone forestière grande comme 35 terrains de football disparait chaque minute.

Selon la FAO, le reboisement permet d'atténuer ce développement dramatique: « Des programmes ambitieux de plantation d'arbres dans des pays comme la Chine, l'Inde, les Etats-Unis et le Viet Nam - associés à une expansion naturelle des forêts dans certaines régions - ont ajouté plus de 7 millions d'hectares de nouvelles forêts chaque année. » C'est ce que la FAO écrit dans son rapport d'évaluation des ressources forestières mondiales.

Aussi il est essentiel de connaître la définition du mot «forêt» pour la FAO et par extension pour l'ONU: « la forêt (...) correspond à un couvert arboré de plus de 10% sur au moins un demi-hectare. L'arbre étant défini comme une plante pérenne avec une seule tige (ou plusieurs si elle est recépée) atteignant au moins cinq mètres à maturité ». Ainsi, selon cette définition, la FAO donne aux monocultures industrielles d'arbres le statut de forêt.

De telles monocultures s'implantent sur des millions d'hectares chaque année pour répondre à notre faim de matières premières bon marché, pour le papier, la cellulose ou encore l'énergie de la biomasse. A maintes reprises les forêts naturelles sont défrichées pour des plantations d'arbres exotiques tels l'eucalyptus, le pin et l'acacia, ayant le même âge et modifiés génétiquement. Les plantations sont une catastrophe pour l'environnement, le climat et l'Homme.

Informations supplémentaires sur les plantations

La définition du mot forêt de la FAO est au combien importante car elle est reprise et utilisée par toutes les institutions onusiennes, dont la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (UN Framework Convention on Climate Change - UNFCCC), ainsi que par de nombreuses autres organisations et gouvernements à travers le monde. La France se situe au quatrième rang des contributeurs de la FAO, après les États Unis, le Japon et l’Allemagne.

Des organisations écologistes et de défense des droits de l'homme de toute le planète, rassemblées dans le «Mouvement mondial pour les forêts tropicales» (World Rainforest Movement - WRM), appellent la FAO à modifier de toute urgence sa définition incorrecte du mot forêt. En septembre dernier, 600 scientifiques et experts du monde entier ont adressé une lettre ouverte à la FAO. Du 28 novembre au 9 décembre 2011 auront lieu  en Afrique du Sud les Négociations internationales en matière de changement climatique (COP 17/CMP 7) de la CCNUCC. Veuillez participer à notre action-mail.

Contexte

Les plantations n’offrent aucun espace vital à d'autres espèces végétales et animales. Ecologiquement parlant elles sont sans valeurs car inadéquates à accueillir d'autres formes de vie. Les rares spécimens ayant tout de même survécu sont achevés par les pesticides et herbicides aspergés pour assurer la croissance sans entraves des arbres. Après seulement quelques années (environ 7 ans au Brésil par exemple), les arbres sont coupés à blanc, récoltés en majorité selon un procédé entièrement mécanisé.

Les monocultures sont une catastrophe non seulement pour les sols, les ressources en eau et le climat mondial, mais aussi pour les hommes. En se substituant aux forêts et aux petites terres agricoles vivrières elles privent les population des moyens de subsistance et de nourriture dont elles ont désespérément besoin. Peu d'emplois sont créés. Et l'industrie expérimente déjà en plein champ la culture d'arbres génétiquement modifiés pouvant par exemple résister au gel ou bien contenant peu de certaines substances comme la lignine, indispensable à la survie d'un arbre, certes, mais indésirable dans le papier et la cellulose.

Les plantations sont souvent financées à travers le marché du carbone. L'argumentation réside dans la capacité des arbres plantés à stocker le CO2. Pour fonctionner cet argument fait abstraction des immenses quantités de dioxyde de carbone rejetés par la végétation et les sols dans l'atmosphère lors du défrichement. C'est d'autant plus absurde que les écosystèmes naturels comme les forêts ont besoin de stocker de grandes quantités de CO2.

Le «Mouvement mondial pour les forêts tropicales» (World Rainforest Movement - WRM) informe depuis 25 ans (site en anglais et en espagnol éditant un bulletin d'information mensuel en français) comment les plantations industrielles portent atteinte à l'Homme et à la Nature. Vous pouvez visionner une courte animation sur le sujet. Il vous est aussi possible de regarder la vidéo longue d'une vingtaine de minutes «Voix d'Amérique latine contre le désert vert» (version originale sous-titrée en anglais) et dans laquelle cinq habitants de cette région racontent leurs expériences désastreuses avec les monocultures industrielles.

Lettre

M. Jacques Diouf, Directeur général Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)
Viale delle Terme di Caracalla, 00153 Rome, Italie
Forests-2011@fao.org

Mme Bérengère Quincy, Représentante permanente de la France auprès des institutions des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO, PAM et FIDA) à Rome
52, Corso del Rinascimento, 00186 Rome, Italie
info@delegfrance-oaa.org

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, Ministre de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement
Hôtel de Roquelaure, 246, bd Saint-Germain, 75007 Paris
nathalie.kosciusko-morizet@developpement-durable.gouv.fr

M. Bruno Le Maire, Ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du territoire
Hôtel de Villeroy - 78, rue de Varenne, 75007 Paris
bruno.le-maire@agriculture.gouv.fr
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Madame, Monsieur,

La FAO définit la forêt comme des « terres d’une superficie de plus de 0,5 hectare avec des arbres atteignant une hauteur supérieure à cinq mètres et un couvert arboré de plus de dix pour cent, ou avec des arbres capables d’atteindre ces seuils in situ ». [*]

Grâce à cette définition, il a été possible de remplacer des forêts primaires par des plantations monoclonales d’arbres d’espèces exotiques génétiquement manipulées, sans que cela soit considéré comme du déboisement. Cette définition a permis aussi d’appeler « forêts » les plantations industrielles d’arbres, qui se multiplient au prix de la destruction d’autres écosystèmes.

Le problème s’aggrave du fait que d’autres organisations et initiatives de l’ONU, comme la Convention-cadre sur les changements climatiques [**], ainsi que de nombreux gouvernements nationaux, appliquent cette définition dans leurs négociations, leurs programmes et leurs politiques. Il arrive même qu’elle soit le point de départ de nombreuses analyses et actions.

J'estime que la définition actuellement utilisée par la FAO doit être changée. Elle est loin de considérer la complexité structurelle des écosystèmes forestiers, qui sont variés, pluristratifiés et fonctionnellement complexes. Elle ne reflète pas non plus leur capacité de fournir des services essentiels à l’humanité, comme le maintien de la diversité biologique ou le stockage de carbone ; elle ne tient pas compte du rôle fondamental qu’ils jouent dans la vie des populations locales. Le fait de grouper sous une même définition les plantations d’arbres et les forêts naturelles porte à prendre des décisions erronées. La définition actuelle de forêt a des conséquences négatives de portée locale et mondiale, car elle légitime l’expansion de la monoculture d’arbres, dont les répercussions sociales, économiques, écologiques et culturelles ont été amplement dénoncées et documentées.

Je suis convaincu de l'urgence de modifier la définition erronée de la forêt de la FAO compte tenu de son rôle majeur dans la politique de plantation. J'exhorte la FAO à entamer sans plus attendre un processus de consultation international visant à repenser et reformuler complètement sa définition. Les Nations unies et la FAO ont un besoin immédiat d'une définition correcte de la forêt. LES PLANTATIONS NE SONT PAS DES FORÊTS.

Je vous prie de bien vouloir agréer, Madame, Monsieur, l'expression de ma très haute considération.

[*] FAO, Évaluation des ressources forestières mondiales 2010, Annexe 2 : Termes et définitions utilisés dans FRA 2010, http://www.fao.org/docrep/013/i1757f/i1757f.pdf.

[**] Du 28 novembre au 9 décembre 2011 auront lieu en Afrique du Sud les Négociations internationales en matière de changement climatique (COP 17/CMP 7) de la CCNUCC.

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