Biocarburants - questions et réponses

Sacrifier les aliments et les forêts de la planète pour ça ? © istockphoto.com

Depuis quelque temps, le mot « biocarburant » est dans toutes les bouches. Les « biocarburants » sont présentés comme les sauveurs des problèmes énergétiques de l’humanité et du climat mondial. Ils procureraient de grands profits aux entreprises et permettraient l’essor économique des pays en voie de développement.

Est-ce le début d’un âge d’or ? Le climat mondial est-il hors de danger ? Pouvons-nous désormais appuyer à fond sur l’accélérateur sans souci ?

La réponse est évidemment NON !

L’électricité et le chauffage, tout comme le « bioéthanol » et le « biodiesel » à base d’huile de palme, ne font qu’encourager la déforestation. Cette imposture écologique empêche des millions de personnes de manger à leur faim. Ci-après, les réponses à quelques-unes des questions brûlantes sur les biocarburants :

Définition : que sont les biocarburants ?

Par biocarburants, on entend généralement les sources d’énergie tirées de la biomasse végétale et animale renouvelable. Il existe 4 groupes de « biocarburants » :

  • Les alcools comme l’éthanol, produits par exemple à partir de la canne à sucre, du maïs et de céréales
  • Le « biodiesel » à base d’huiles végétales (colza, huile de palme, soja, tournesol etc.)
  • Le biogaz provenant de matières organiques, y compris les résidus de récolte et le fumier
  • La biomasse solide et liquide, comme les huiles végétales, les fibres végétales, les déchets et les granulés de bois, utilisés à l’état pur ou mélangés aux énergies fossiles dans des centrales de production combinée de chaleur et d’électricité.

En quoi les biocarburants me concernent-ils ?

Aujourd’hui, les « biocarburants » sont très répandus. Ils sont utilisés dans les automobiles, camions et autobus ainsi que dans les générateurs d’électricité et le chauffage des maisons. L’UE a introduit des obligations croissantes d’incorporation au carburant fossile dans les transports. Le diesel, l’essence et le super des stations-service contiennent toujours du biocarburant.

Pourquoi les biocarburants ne sont-ils ni biologiques ni écologiques ?

Ils sont produits à partir de monocultures agroindustrielles. De vastes quantités d’engrais de synthèse et de produits chimiques nuisibles à l’être humain et à l’environnement y sont épandues. L’usage d’OGM aux conséquences imprévisibles sur l’être humain et sur l’environnement s’accroît. Dans des régions sèches telles que le Midwest des États-Unis, les nappes phréatiques servant à l’irrigation menacent de se tarir, mettant en péril l’approvisionnement en eau potable de la population.

Pourquoi les biocarburants ne sont-ils ni neutres pour le climat ni neutres en CO2?

C’est simplement impossible. C’est même le contraire qui se produit. L’industrie et les politiciens peignent une image convenable des « biocarburants » en usant d’artifice et de calculs approximatifs. Mais, en réalité, les « biocarburants » accélèrent le réchauffement climatique pour les motifs suivants : 
essentiellement, le CO2 absorbé par la plante dans l’atmosphère lors de sa croissance est entièrement relâché lors de la combustion du biocarburant. Avant les plantes servant à générer du biocarburant, d’autres plantes poussaient déjà sur les surfaces utilisées. Le CO2 stocké dans la biomasse de ces plantes est donc relâché. Des forêts tropicales et de tourbes sont notamment brûlées en Asie du Sud-Est pour faire place à les cultures d’huile de palme.

La déforestation représente près de 18% des émissions nuisibles pour le climat mondial, l’agriculture 14%. Chaque tonne d’huile de palme produite à partir d’anciennes tourbières cause l’émission de 10 à 30 tonnes de CO2. De plus, les forêts tropicales sont un important régulateur du climat mondial. Leur destruction aggrave le réchauffement et l’assèchement. Si leur abattage dépasse une part de surface donnée, la totalité de système biologique peut subitement s’effondrer, y compris le climat.

Dans le cadre de la culture des plantes et de la production des « biocarburants », de vastes quantités de carburants fossiles sont utilisées pour l’usage de machines et de véhicules, le labour des terres, l’ensemencement des plantes, la fabrication et l’épandage d’engrais et de produits chimiques, la récolte, le transport, le stockage, le pressage, la distillation etc. Les fertilisants relâchent de grosses quantités d’oxyde d’azote (N2O). Ce dernier est un gaz à effet de serre presque 300 fois plus puissant que le CO2.

Les biocarburants résolvent-ils la crise énergétique imminente?

Absolument pas. D’après Michel Harmut, prix Nobel de chimie en 1988 pour ses recherches sur la photosynthèse, le carburant produit par unité de surface et par année contient moins de 0,4% de l’énergie solaire reçue par cette surface sur la même période. Les plantes sont donc inefficaces, dans la mesure où un panneau solaire moderne transforme 15 à 20% du rayonnement solaire en électricité. La biomasse formée par les plantes contient tout au plus 2% du rayonnement solaire (beaucoup moins pour le colza, le soja, le maïs et les céréales) et la transformation de la biomasse en biocarburant est efficace à hauteur de 0,15 à 0,3%.


Ceci explique également les énormes besoins en surface des biocarburants. Pour couvrir les besoins en énergie actuels de l’humanité, il faudrait cultiver des plantes énergétiques sur la totalité de la surface terrestre. La consommation d’énergie augmentant partout dans le monde, la crise énergétique s’aggrave. 
Le pétrole, le gaz naturel et le charbon sont de la biomasse fossile de plantes et d’animaux morts. En un siècle, l’humanité a évaporé une quantité considérable des réserves d’énergie fossile formées au long de 700 millions d’années. Selon les calculs du biologiste Jeffrey Dukes, les énergies fossiles brûlées chaque année correspondent à la biomasse qui croît en 400 ans sur la terre et dans les océans.

L’utilisation de biocarburants rend-elle l’économie d’énergie inutile ?

Non, notre approvisionnement en énergie dépend toujours d’énergies fossiles. Bien que des pans entiers de territoire dans le monde aient d’ores et déjà été transformés en « champs de biocarburants », ils représentent à peine 1% de l’énergie totale utilisée pour les transports. Même si la production de biocarburants continuait d’être augmentée, ceux-ci ne pourraient remplacer qu’une part infime des énergies fossiles, et cela à condition de poursuivre les recherches pendant plusieurs décennies. L’utilisation raisonnée de l’énergie est donc plus importante que jamais. Les groupes pétroliers et l’industrie ont tout intérêt à ce que les consommateurs continuent leur utilisation abusive d’énergie. Ils tirent ainsi des bénéfices à la fois des carburants fossiles et des carburants « renouvelables ».

Les biocarburants aident-ils les gens pauvres dans les pays en développement ?

Non, la plupart des agriculteurs dans les pays en développement ne possèdent que peu de terres. La production sur de petites surfaces pour couvrir les besoins du marché n’est pas rentable. Au nom des « biocarburants », de vastes territoires sont donc transformés en monocultures industrielles au plus grand profit des multinationales et des grands propriétaires terriens. 
Pour étendre les surfaces de plantations, la population locale est souvent expropriée et expulsée. Violence, raves atteintes aux droits humains et appauvrissement en sont les conséquences. C’est le cas dans les plantations de palmiers à huile en Indonésie, Malaisie, Colombie et Équateur ou dans la culture du soja au Brésil, en Argentine et au Paraguay. Des populations entières d’autochtones sont déjà presque décimées. 


De plus, les salaires versés sont pour la plupart très bas, les conditions de travail mauvaises et les contrats de travail à court terme. Au Brésil, 200.000 personnes travaillent dans des conditions proches de l’esclavage dans les champs de canne à sucre.

Les biocarburants brisent-ils l’emprise de l’industrie pétrolière, électrique et automobile ?

Non, ces sociétés ont saisi le train en marche et sont à l’origine de l’actuelle envolée mondiale des biocarburants. Un phénomène similaire à la ruée vers l’or aux temps des Rockefellers. Une nouvelle alliance funeste de politiciens, d’organisations internationales et de sociétés industrielles de pétrochimie, d’agronomie, de génie génétique et d’automobile s’est formée. Elle inclut notamment : Shell, BP, Chevron, ExxonMobil, Repsol-YPF, Petrobras, ADM, Cargill, Bunge, Bayer-Monsanto, DuPont, BASF, VW, General Motors, Ford.

Les biocarburants ont-ils une influence sur la production de denrées alimentaires ?

L’essor des biocarburants a déjà provoqué une raréfaction et un renchérissement des denrées essentielles à l’échelle mondiale. Les personnes démunies ne peuvent pas rivaliser avec les voitures. Dans le monde, 800 millions de personnes souffrent de la faim et 3,6 milliards vivent sous le seuil de pauvreté. Un grand nombre d’entre elles doivent vivre avec un euro par jour. L’augmentation des prix est beaucoup plus brutale pour les populations pauvres des pays en développement que pour nous dans les pays industrialisés. Nous remplissons les réservoirs de nos voitures de « biocarburants » aux dépens de personnes qui souffrent de la faim ailleurs sur la planète. Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies doit déjà réduire ses livraisons de nourriture dans des zones où sévit la famine.

La quantité de céréales transformées en éthanol pour remplir le réservoir d’une grosse cylindrée pourrait nourrir une personne toute une année. Si cette voiture fait le plein toutes les 2 semaines, sa consommation annuelle de céréales équivaut à celle de 26 personnes pendant un an. Au Mexique notamment, les prix des tortillas de maïs, l’aliment de base des plus démunis, ont doublé en l’espace de quelques mois, donnant lieu à des manifestations de masses. Mais au sein de l’UE les prix ont aussi fortement augmenté, par exemple des graisses alimentaires végétales.

Les plantations de palmiers à huile ne sont-elles pas aussi une sorte de forêt ?

Il ne suffit pas de multiplier les arbres pour former une forêt. Une plantation de palmiers à huile est une monoculture industrielle, un désert biologique qui n’offre aucun habitat à la faune et à la flore. Des forêts tropicales ancestrales et d’autres écosystèmes vitaux sont défrichés et détruits pour faire place à ces plantations. Décrire la culture de palmiers à huile comme une action de reforestation est un stratagème sordide dont usent les politiciens et l’industrie pour duper des consommateurs naïfs.

Que sont des « biocarburants » de seconde génération ?

Des scientifiques et des instituts de recherche éminents ont prouvé que le bilan énergétique des biocarburants actuels est très mauvais. Dans certains cas, la quantité d’énergie investie est supérieure à la quantité d’énergie générée. Et tout ceci grâce à des subventions publiques. 
Des sociétés et des chercheurs essaient à présent d’optimiser et de breveter le rendement et l’efficacité énergétique des plantes et des processus de production de biocarburants. Leur objectif est de fabriquer plus de biocarburant avec la même quantité de biomasse et sur la même surface. 
Actuellement, les biocarburants sont produits à partir de sucres et d’huiles végétales. Toutefois, ces ingrédients ne représentent qu’une part mineure de la biomasse végétale, constituée en majeure partie de la cellulose et de la lignine. À l’avenir, l’éthanol devrait être produit à partir de la cellulose de tiges végétales et de bois. Ceci ferait la part belle aux manipulations génétiques hasardeuses d’arbres, d’autres plantes et de microbes. 
Rien ne permet de dire si et quand cela se concrétisera. Pour le moment, cela en reste au stade de l’utopie. L’amélioration de l’efficacité énergétique est soumise à des limites techniques, physiques et biologiques. Si la totalité de la biomasse était utilisée comme prévue pour les biocarburants, cela impliquerait d’étendre la production aux écosystèmes restants et aux sols fertiles.

Existe-t-il des biocarburants certifiés par des experts indépendants ?

Non. Bien que certains aient essayé de parvenir à des accords entre l’industrie du biocarburant et les propriétaires de plantations lors de « tables rondes », seules des belles paroles et des déclarations d’intention ont été échangées. 
Dans la pratique, toute certification serait également une tromperie : en tant qu’agriculture industrielle intensive, la production de biocarburant est entachée de graves problèmes sociaux et écologiques. L’expulsion de petits paysans de leurs terres, l’utilisation de grandes quantités d’engrais et de produits chimiques, ainsi que l’extension des surfaces cultivées aux dépens de la production de denrées alimentaires et de forêts tropicales en font partie.

La quantité d’énergie pouvant être obtenue de la biosphère sans nuire gravement à l’environnement se heurte à des limites naturelles. La certification ne peut repousser ces limites et ne peut empêcher l’extension des surfaces cultivées aux fins de la production de biocarburant.

Pourquoi, alors, parle-t-on autant des biocarburants ?

L’approvisionnement en énergie revêt une importance stratégique. Jusqu’ici, on a extrait des énergies fossiles telles que le pétrole, le gaz naturel et le charbon mais leur gisement est limité et l’exploitation des gisements implique des frais toujours plus élevés. Aujourd’hui, il faudrait en plus cultiver des biocarburants dans les champs. Le marché des biocarburants est florissant. 
Les pays en développement tropicaux et subtropicaux pourraient jouer un rôle particulier à cet égard : des températures et un ensoleillement élevés toute l’année permettent des récoltes abondantes. Le brevetage de plantes génétiquement modifiées permet d’assurer des monopoles. L’achat de terrains bon marché, de bas salaires et l’absence de lois en vue de la protection de l’être humain et de l’environnement ou leur application insuffisante sont la garantie d’énormes profits.

Politiciens, organisations internationales et sociétés trament d’ores et déjà des alliances stratégiques autour des biocarburants. Pour eux, c’est l’occasion de maintenir le statu quo du système économique et de domination. L’objectif est de remplacer les énergies fossiles par les « biocarburants » et de continuer à surexploiter les ressources naturelles sans scrupules et à gaspiller l’énergie. Tout cela aux dépens de l’être humain et de l’environnement.

Que puis-je faire à mon niveau ?

Les possibilités qui s’offrent à vous sont multiples :

1. Informer et protester : vous pouvez diffuser cette fiche d’information à vos amis et connaissances, encourager ou organiser des discussions sur le thème du biocarburant, informer le public des problèmes, écrire aux politiciens et aux grandes entreprises et leur demander de ne pas prescrire et subventionner des lois sur l’utilisation de biocarburants pour exploiter des centrales électriques et thermiques, aider les habitants de pays en développement, participer aux pétitions de Sauvons la forêt.

2. Changer son mode de vie et consommer l’énergie de manière économique et efficace : se déplacer à vélo ou avec les transports en commun autant que possible, acheter s’il le faut des voitures compactes et économiques au lieu de 4x4 et autres voitures de sport, éviter les trajets et les vols inutiles, baisser la température du chauffage dans son logement, isoler les habitations contre les pertes de chaleur, opter pour des appareils et des ampoules basse consommation si de nouveaux achats s’imposent, ne pas laisser ses appareils en veille, économiser et recycler les matières premières.

3- Passer aux énergies vertes comme l’énergie éolienne et l’énergie solaire : s’approvisionner en électricité auprès de fournisseurs dont le courant provient de l’énergie éolienne et de l’énergie solaire.

 

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