Attaque armée d’un producteur de papier contre un village à Sumatra
Des hommes envoyés par la société papetière Toba Pulp Lestari (TPL) ont pris d'assaut le village de Sihaporas. Ils ont blessé 33 personnes, principalement des femmes. Cette offensive marque un nouveau point culminant dans le conflit qui oppose la population autochtone batak à l'entreprise. La résistance s'intensifie et réclame la fermeture de TPL.
Les assaillants portaient cagoules, casques et uniformes noirs. « Ils étaient équipés de machettes, de tasers et de matraques », rapporte Jhontoni, membre de l’Alliance des indigènes du territoire Tano Batak (AMAN).
Les 150 agresseurs sont arrivés à bord de véhicules appartenant au service de sécurité de Toba Pulp Lestari (TPL), ce qui laisse à penser que le producteur de papier est l’instigateur de l’attaque.
TPL produit de la pâte à papier, du papier et de la viscose au bord du lac Toba depuis 1989. L’entreprise est en grande partie responsable de la déforestation dans le nord de l’île de Sumatra. Son usine pollue l’air et les eaux. Toba Pulp Lestari réagit régulièrement par la violence lorsque des gens s’opposent à l’accaparement de leurs terres.
Le 22 septembre 2025, les assaillants ont saccagé plusieurs maisons, endommagé des motos et détruit une partie de la maison communale à Sihaporas. Ils ont aussi brutalement frappé les femmes qui tentaient de protéger l’édifice. La population redoute de nouvelles attaques. L’année dernière, une cinquantaine d’hommes armés avaient attrapé par surprise cinq habitants de Sihaporas et les avaient fait emprisonner.
Le village de Sihaporas
Sihaporas est habité par des indigènes Batak Toba. Installée depuis environ deux siècles, cette population vit en étroite relation avec la forêt, dont elle tire sa subsistance grâce à ses produits, à l’exploitation du palmier à sucre (Arenga pinnata) et à l’agriculture. Les Batak Toba sont également connus pour leurs rituels autour des plantes médicinales de la forêt.
Mais il y a quarante ans, TPL a commencé à s’approprier la forêt tropicale de Sumatra, à à la déboiser et à y établir des plantations d’eucalyptus. Aujourd’hui, TPL possède près de 300 000 hectares de terres mêlant forêts et plantations, dont plus de 30 000 hectares appartiennent en réalité à 23 villages.
Depuis la chute du dictateur Suharto en 1998, la communauté de Sihaporas réclame la restitution de ses terres ancestrales. Elle a sollicité à plusieurs reprises les autorités et l’entreprise, marqué la frontière de son territoire à l’aide de poteaux et installé des panneaux d’interdiction. Mais toutes ces démarches sont restées sans effet.
Toba Pulp Lestari doit fermer !
Tel est l’appel lancé par AMAN Tano Batak et de nombreux autres groupes du nord de Sumatra. « Trop d’autochtones batak ont été victimes de la violence de l’industrie papetière », dénonce le mouvement « Tutup TPL » (en français « Fermez TPL ! »). La répression contre les communautés autochtones s’est en effet nettement aggravée ces dernières années.
La mobilisation a pris une ampleur nouvelle en 2024 avec la condamnation à deux ans de prison du doyen des autochtones, Sorbatua Sialagan. Depuis, le mouvement Tutup TPL s’est étendu à l’ensemble de la province.
Un espoir à Simenakhenak
Le village voisin de Simenakhenak, dont les terres traditionnelles avaient également été spoliées par Toba Pulp Lestari, a connu un autre destin. Grâce au soutien de Sauvons la forêt et d’AMAN Tano Batak, Simenakhenak a obtenu une reconnaissance officielle en tant que « communauté de droit autochtone » et a récupéré des droits forestiers sur 252 hectares.
La population villageoise travaille désormais à la renaturation de la zone récupérée. Une victoire porteuse d’espoir pour les habitants de Sihaporas…
TPL et le groupe papetier APRIL
La société Toba Pulp Lestari (TPL) est liée au groupe papetier APRIL (Asia Pacific Resources International Limited), filiale de la holding Royal Golden Eagle (RGE).
APRIL est l’un des plus grands producteurs mondiaux de pâte à papier et fabrique papier, pâte et viscose en Indonésie, en Chine et au Brésil.
Sa filiale Mayawana Persada détruit à Bornéo une forêt où vit une importante population d’orangs-outans.
L’essor du secteur papetier est corrélé à la déforestation et à la violence contre les populations, souvent autochtones, dans les régions tropicales.
Il est toujours possible de signer notre pétition « Ne faites pas d’affaires avec le groupe papetier APRIL ! »
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