Qui profite des feux de forêt en Indonésie ?

Feux déclenchés dans le village de Puding, district de Muaro Jambi, Sumatra, septembre 2019 Notre partenaire au milieu de zones dévastées par le feu à Sumatra (© Feri Irawan)

20 oct. 2019

Derrière les auteurs des feux de forêt en Indonésie se cachent des producteurs d’huile de palme et d’autres entreprises. À Sumatra, RKK du groupe Makin, fournisseur d’Unilever, est un récidiviste.

La plantation de palmiers à huile de RKK basée dans la province de Jambi à Sumatra est accusée, une fois de plus, d’avoir allumé des feux ou laissé faire. L’entreprise a été fermée par les autorités pour ces faits. Le groupe Makin, à qui RKK appartient, approvisionne des géants de l’industrie agroalimentaire tels qu’Unilever.

En 2017, un tribunal avait condamné RKK à verser des indemnités de 11,5 millions d’euros. Des éléments de preuve ont attesté que l’entreprise avait sciemment allumé des feux en 2015, une année marquée par des incendies dévastateurs. Notre partenaire avait dénoncé l’entreprise après avoir découvert des bidons d’essence.

RKK s’en est tirée à bon compte en payant les 11,5 millions d’euros. En 2019, RKK faisait de nouveau partie des entreprises et des groupes identifiés comme étant les principaux commanditaires des feux de forêts et de tourbières. L’huile de palme est si lucrative qu’elle l’emporte sur toute considération environnementale, sociale ou climatique.

RKK n’est pas la seule entreprise à avoir été fermée. Elles sont sept rien qu’à Jambi. Des feux ont pourtant été allumés dans 29 concessions appartenant à des producteurs d’huile de palme, de pâte à papier et de bois. Plus de 200 personnes sont suspectées d’avoir allumé des feux. Les autorités désignent les entreprises uniquement par leurs initiales (RKK, BEP, LKU, MAS, ABT, PDIW, PB) sans jamais divulguer leurs noms ni l’emplacement des plantations. Ce manque de transparence est absurde, car nos partenaires connaissent très bien les lieux et des données satellites font clairement apparaître les foyers des incendies. 

La police et le Ministère des forêts ont fermé 42 entreprises dans toute l’Indonésie. Des dizaines d’autres font l’objet de vérifications et des centaines d’autres sont suspectées. La plupart d’entre elles gèrent des plantations de palmier à huile à Sumatra et à Kalimantan (nom de la partie indonésienne de Bornéo). Les entreprises sont temporairement fermées pendant la durée de l’enquête. L’expérience a montré que la plupart des plaintes étaient classées sans suite. Les cas conduisant à des procès et aboutissant à des condamnations et des amendes sont rares.

« Les entreprises mises en cause dans les incendies doivent être fermées pour toujours ! »  réclament nos partenaires indonésiens depuis des années. Des semaines durant, ils sont contraints d’inhaler des fumées toxiques lorsqu’ils aident à combattre les feux et distribuent des masques de protection respiratoire à la population.

Le nombre d’hectares brûlés, de villageois et d’animaux tués ou encore de personnes souffrant d’infections respiratoires ne peut être qu’estimé. Des écoles ont été fermées et des vols aériens annulés. Les états voisins de Singapour et de Malaisie ont également été recouverts d’un épais nuage de fumée toxique.

Et cela dure depuis des années ! Dans une vidéo, le Ministère de l’environnement et des forêts présente la répartition des feux de forêt par île et par année. Le réseau écologiste WALHI (Friends of the Earth Indonesia) a émis des doutes sur les données officielles, car les feux déclenchés dans des plantations publiques ne sont pas répertoriés.

Certains services gouvernementaux estiment enfin que c’en est trop. « Des feux ont été déclenchés dans la plantation RKK pour la deuxième fois. Après les incendies de 2015, RKK a été condamnée à payer une amende de 192 milliards de Rupiah. Cette fois-ci, les amendes ne suffiront pas. Nous devons lui retirer son autorisation », assure Rasio Ridho du service juridique du Ministère de l’environnement et des forêts.

Mais cela pourrait s’avérer difficile, car la consommation croissante d’huile de palme, de papier et de bois nécessite des superficies toujours plus grandes. Un système juridique défaillant et les liens étroits qu’entretiennent les politiciens avec l’industrie de l’huile de palme constituent également des problèmes importants.

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