Pérou : révolte contre l’or

Exploitation à ciel ouvert dans la mine Yanacocha
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Une mine d’or menace de s’implanter dans la province de Cajamarca au Pérou. Les habitants de la région, qui ont du subir l'état d'urgence avant sa sa levée par le président péruvien, s'opposent au projet Conga et demandent au gouvernement de respecter leur droit à vivre en harmonie avec la nature. Soutenons-les !

Appel

Depuis le début du mois de décembre 2011, la province andine de Cajamarca au Pérou est le théâtre d’une révolte paysanne contre le projet Conga, une mine d’or qui menace de s’implanter dans la région. Jour après jour, plus de 20 000 manifestants, soutenus par les représentants politiques locaux, se rassemblent sur la Plaza de Armas pour protester avec le slogan « Conga no va » (non au Conga !). Importante région agricole du pays, Cajamarca est directement dépendante de ses ressources naturelles. Avec 70% de la population vivant de l’agriculture, l’accès à de l’eau propre et en quantité suffisante est primordial. Le projet d’exploitation minière représente une menace directe pour les moyens de subsistance des paysans andins puisque ce type de mine à ciel ouvert a un besoin considérable en eau et en énergie en plus des déversements de produits toxiques dans les cours d’eau naturels.

La ferme opposition de la population  au projet Conga se fonde sur les conséquences désastreuses de la mine Yanacocha : à l’origine de graves pollutions environnementales et d’une pénurie d’eau, cette exploitation n’a en outre apporté ni prospérité ni développement aux communautés locales depuis sa création il y a 18 ans. Les mêmes retombées sont à craindre à Cajamarca puisque le projet Conga est en réalité une extension de Yanacocha par la même compagnie minière.

Suite …

Après un premier échec des négociations, Ollanta Humala, le président du Pérou, avait décrété l’état d’urgence le 4 décembre 2011, plaçant la région de Cajamarca sous contrôle militaire et policier afin de faire taire les revendications. Plusieurs personnes ont été blessées pendant des interventions violentes. Les policiers et les militaires ont été dotés de pouvoirs exceptionnels afin de faire cesser les protestations. Les meneurs des manifestations ont été arrêtés. A cause de la situation très tendue, les écoles et hôpitaux de la région ont été fermés. La population de Cajamarca espérait pourtant un soutien de la part du nouveau président, qui avait promis pendant sa campagne électorale de veiller à la protection des sources d’eau dans cette région afin de garantir la sécurité alimentaire.

Suite aux nombreuses protestations nationales et internationales, l’état d’urgence fut levé le 6 décembre 2011. Le 10, le président du conseil des ministres, Salómon Lerner, a démissionné de ses fonctions. Dix autres ministres lui ont emboité le pas, parmi lesquels les ministres de l’agriculture, de l’énergie, de l’exploitation minière et de l’environnement.

Le nouveau premier ministre Óscar Valdés Dancuart a promis une expertise environnementale indépendante menée par des spécialistes internationaux. Celle-ci devrait servir de base à la prochaine décision sur la continuation du projet Conga. Mais le conflit est loin d’être résolu. Les entreprises minières et le gouvernement essayent de diviser les mouvements de protestations et les communautés villageoises qui se soulèvent contre le projet.

Les habitants de la région vont débuter  le 1er février une « marche pour l'eau » vers la capitale Lima pour demander au gouvernement de respecter leur droit à vivre en harmonie avec la nature. La préservation des ressources naturelles devrait être plus importante que les profits à court terme de l'industrie minière. Aidons-les à faire rejeter le projet minier de Conga !

Contexte

En aval de Yanacocha, la plus grande mine d’or d’Amérique Latine, les populations paysannes doivent se battre depuis des années contre un manque d’eau et des pollutions environnementales de plus en plus aigües. Ce site de 251 km carrés est géré par un consortium américano-péruvien. L’actionnaire principal en est l’entreprise américaine Newmont Mining Company. La Banque Mondiale détient quant à elle 5% des parts. Dans cette exploitation à ciel ouvert, de l’or, de l’argent et du mercure sont extraits en utilisant du cyanure. Cette forme d’exploitation minière nécessite d’immenses quantités d’eau pour le rinçage des métaux : les déchets toxiques sont ensuite emportés par les cours d’eau qui alimentent les communes environnantes. Même si les dirigeants de la mine affirment que cette méthode est sans danger, les poissons des rivières et lacs meurent en masse. Les paysans se plaignent car leurs bêtes tombent malade et meurent à cause d'une eau polluée et insuffisante. La promesse d’un développement économique de la région grâce aux mines ne s'est jamais matérialisée. En 1993, lorsque commença l’activité minière à Yanacocha, Cajamarca était la 4ème région la plus pauvre du pays. En 2011, soit 18 ans plus tard, elle l’était toujours.

En l’an 2000, Yanacocha fut responsable d’un des plus gros déversements accidentels de mercure du monde : un des transporteurs de la compagnie a perdu 125 kilogrammes de ce métal lourd sur la route qui traverse Choropampa. Au lieu d’aviser la population du danger, la compagnie minière a poussé la population à collecter et restituer le métal toxique. Plus de 2.000 personnes ont été contaminées. A ce jour, au moins 20 d’entre elles sont mortes empoisonnées. Yanacocha n’a toujours pas reconnu sa responsabilité. Lors de ses recherches, David Vollrath activiste et rédacteur de Rettet den Regenwald e.V. (maison mère de Sauvons la Forêt) a constaté sur place que dix ans après cette affaire, les personnes subissent encore les conséquences de l’accident. Un documentaire primé résume tous ces faits.

Aujourd’hui, l’extension de l’exploitation minière menace d’autres communautés et points d’eau. L’emplacement du nouveau projet Conga ne se trouve à qu’à quelques kilomètres de la mine principale Yanacocha. Une étude d’impact environnemental a été menée par la compagnie minière. Elle annonçait la création de quatre canaux artificiels afin d’amoindrir les conséquences écologiques du projet minier : l’un d’entre eux devrait servir à l'extraction minière, les trois autres à l’approvisionnement des communes environnantes. Au vu du grand nombre de communes concernées, les experts doutent que les plans de la compagnie minière soient à même de garantir une alimentation suffisante en eau. Cette étude d’écocompatibilité a également été critiquée par le ministre de l’environnement.

 

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Vous trouverez sur le lien suivant notre fiche d'informations:
12 questions et réponses  sur le thème de l’or
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Lettre

TRADUCTION FRANÇAISE DE LA LETTRE DE PÉTITION :

À:
M. Ollanta Humala, Président de la République du Pérou

En copie à :
M. Daniel Fernando Abugattás Majluf, Président du Congrès
M. Manuel Pulgar Vidal, Ministre de l’Environnement
M. Jorge Merino Tafur, Ministre de l’Energie et des Mines
Mme. Susana Vilca Achata, Vice-Ministre de l’Energie et des Mines

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Objet: Stoppez le projet minier Conga
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Monsieur le Président,

La population de Cajamarca s’oppose depuis des années à l’extension de la mine de Yanacocha. Leur raison la plus pressante est la défense de l’eau, principalement les lacs andins et le système hydrique naturel dans son ensemble, car il garantit les moyens de subsistance des habitants de cette région.

Je vous invite à protéger les moyens de subsistance des communautés de Cajamarca, ce qui signifie préserver les sources d’eau naturelles de la pollution ou de la destruction. En vue de réaliser cette protection, il est nécessaire de changer la Constitution afin d’ériger le libre accès à de l’eau propre en droit fondamental, et d’interdire la privatisation de cette ressource.

Lors de votre campagne électorale, vous avez vous-même plaidé pour un compromis acceptable au sujet de la problématique de l’or et de l’eau. Vous vous êtes prononcé pour la protection des ressources naturelles. Vous avez conscience que la population de Cajamarca s’oppose au système dans lequel l’exploitation des sols pour des métaux va de pair avec la destruction des milieux naturels et l’anéantissement des moyens de subsistance des habitants. Ceux-ci souhaitent un autre mode de vie, qui respecterait les besoins des communautés et se baserait sur la communication, l’échange, la solidarité et la protection de la nature. Je vous prie de respecter ce mode de vie choisi par la population de Cajamarca.

La réalisation du projet d’exploitation minière Conga impliquerait la destruction d’au moins quatre lacs andins naturels qui remplissent une fonction écologique primordiale en tant que source pour les fleuves qui alimentent Cajamarca. Compte tenu de sa durée extrêmement limitée et de l’anéantissement irrémédiable de réservoirs d’eaux naturels vitaux qu'elle provoquera sur ce site, l'extraction minière n’apportera aucun bénéfice à la population locale. Ce n’est pas acceptable.

Aussi, je vous exhorte à ne pas autoriser l’extension de la mine Yanacocha et à mettre immédiatement fin aux plans concernant le projet Conga.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mon profond respect.

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VERSION ORIGINALE ESPAGNOLE DE LA LETTRE DE PÉTITION


Para:
Presidente del Perú, Sr. Ollanta Humala

Copia:
Presidente del Congreso de la República, Sr. Daniel Fernando
Abugattás Majluf
Ministro del Ambiente, Manuel Pulgar Vidal
Ministro de Energía y Minas, Jorge Merino Tafur
Viceministra de Minas, Sra. Susana Vilca Achata

Estimado presidente Humala:

Desde hace años, la comunidad cajamarquina se opone a la expansión de la mina Yanacocha y protege el agua, las lagunas y el sistema hídrico en su conjunto por ser su fuente principal de vida y sustento.

Los días pasados, usted ha decretado el estado de emergencia en las cuatro provincias Cajamarca, Celendín, Hualgayoc y Contumazá. Numeroso contingente militar y policial ha llegado a la región, restringiendo claramente los derechos fundamentales de los pobladores y sembrando la inquietud.

Por este motivo, exijo respeto a los derechos de las comunidades afectadas y le urjo a llevar el conflicto rápidamente a la salida pacífica que desean los pobladores.

Para ello,

Proteja la vida de las comunidades, lo que significa, que asegure su abastecimiento natural de agua. En este sentido, es pertinente recordarle la necesidad de la modificación constitucional para que el agua sea declarada como derecho humano libre de privatización.

Usted hizo campaña electoral haciendo uso de la disyuntiva entre el agua y el oro, y asegurando que intercedería en defensa del agua. Usted es consciente de que frente a la lógica perversa de apropiarse del territorio para explotar minerales, frente a la codicia de explotación de la naturaleza y de explotación de la naturaleza humana en Cajamarca se expresa otra lógica. Es la lógica que pugna por sostener otra forma de vivir, la lógica de la comunidad, de la articulación, de la solidaridad, de la mutualidad, la lógica de la Defensa de la Naturaleza que incluye a la vida humana. Y para esta lógica exijo desde aquí respeto.

Para explotar el nuevo yacimiento de oro y cobre Conga la minera Yanacocha tiene que vaciar al menos cuatro lagunas naturales que están en la cabecera de los ríos que proporcionan agua a Cajamarca. Esto es inaceptable bajo todo punto de vista.

En una palabra, no permita la expansión de la mina Yanacocha y cancele hoy mismo el proyecto minero la Conga.

L'or en 5 minutes

Situation actuelle : l’or sale

 

On trouve de l’or presque partout dans le monde. L’extraction de l’or est particulièrement massive sur l’île de Lihir au nord-ouest de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, où environ 75 kilos d’or sont extraits chaque jour. En comparaison internationale, la Chine est le pays qui extrait le plus d’or en 2016 avec 455 tonnes, soit environ 13 % de la production mondiale.

En 2016, 47,4 % du métal précieux a été transformé en bijoux ; 7,5 % de l’or extrait a été utilisé dans l’industrie électronique pour fabriquer entre autres des téléphones et des ordinateurs portables. Le reste est détenu par des banques centrales ou des investisseurs privés sous forme de réserve et à des fins spéculatives. La Banque centrale américaine possède de loin le plus grand stock d’or mondial avec 8 133,5 tonnes. La Banque fédérale d’Allemagne arrive en seconde position avec 3 377,9 tonnes d’or.

L’or peut être présent sous forme de dépôts alluvionnaires granuleux (pépites), qui sont séparés mécaniquement du substrat venant du sol. Mais le métal précieux est le plus souvent présent en quantités infimes dans la structure réticulaire des minéraux rocheux. Les orpailleurs doivent utiliser du cyanure et du mercure pour extraire et lier la poussière d’or.

L’exploitation aurifère industrielle a recours au cyanure et à la soude caustique, un procédé extrêmement nocif pour l’environnement. L’extraction d’une tonne d’or nécessite 150 tonnes de cyanure en moyenne. À titre de comparaison, quelques millilitres de cette substance sont déjà mortels pour l’homme.

Le procédé à base de mercure est souvent utilisé par les petits orpailleurs. Les minerais contenant de l’or sont d’abord passés au tamis pendant des heures dans l’eau, jusqu’à ce que la poussière d’or soit concentrée dans le dépôt. Cette boue rocheuse contenant de l’or est ensuite mélangée à du mercure, qui forme un alliage liquide (amalgame) avec l’or. Cet alliage est ensuite chauffé. Le métal lourd toxique s’évapore, ne laissant que de l’or pur. Dans les petites mines artisanales, on cherche souvent en vain des équipements de protection contre la neurotoxine ou des dispositifs permettant de récupérer le mercure s’évaporant. Le métal précieux profite surtout aux bailleurs, aux entreprises de transport et aux distributeurs de produits chimiques. Les hommes et la nature souffrent de l’exploitation aurifère.

Les conséquences : des forêts tropicales à la riche biodiversité transformées en déserts toxiques

 

Le cyanure et le mercure contaminent les sols et les nappes phréatiques à jamais. Mêmes lorsque les mines d’or sont fermées, les gravats traités au cyanure émettent des acides sulfuriques toxiques pendant des décennies.

L’extraction aurifère industrielle nécessite par ailleurs des quantités d’eau astronomiques. En moyenne, 140 000 litres d’eau par heure sont nécessaires, ce qui correspond à la consommation d’eau annuelle d’un foyer de trois personnes (en Allemagne). L’eau contaminée est stockée dans des bassins de rétention recouverts d’un film étanche puis partiellement retraitée. De fortes pluies susceptibles de provoquer des débordements ou des ruptures de digues et des micro-perforations pouvant endommager le film constituent de grands risques environnementaux. Les ruptures de digues sont fréquentes. En 2000, des boues contenant des métaux lourds ont contaminé la Tisza, le plus grand affluent du Danube, en Roumanie. Toute forme de vie a été détruite dans les cours d’eau. La charge polluante a été détectée jusque dans le Danube, pourtant éloigné de plusieurs centaines de kilomètres.

A cela s’ajoute l’abattage d’arbres géants dans les forêts vierges. Des pelleteuses creusent la terre, laissant derrière elles des paysages lunaires. 1 000 kilos de déchets toxiques et de déblais sont produits pour obtenir seulement 0,24 gramme d’or. Une bague en or produit à elle seule 20 tonnes de déchets hautement toxiques.

L’organisation des droits de l’homme Human Rights Watch signale aussi que le travail des enfants est largement répandu dans le secteur aurifère. Les enfants sont envoyés dans des puits étroits et lavent le minerai contenant de l’or à mains nues dans des mélanges à base de mercure.

La solution : 4 règles d’or pour protéger les hommes et la nature

Mon bijou en or a-t-il lui aussi été fabriqué dans des conditions inhumaines et préjudiciables pour l’environnement ? Il est extrêmement difficile de suivre la trace de l’or en raison de la multiplicité des acteurs impliqués. Les raffineries d’or, qui se trouvent principalement en Suisse et représentent 70 % de la production mondiale, indiquent utiliser des matières premières fournies par des revendeurs certifiés. Mais si l’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que de nombreux vendeurs réalisent des transactions fictives avec de fausses adresses (nous vous recommandons de visionner le reportage suivant : « L’or sale d’Amazonie française »).

Nous sommes également responsables de ces conséquences désastreuses. Alors, que pouvons-nous faire à notre échelle pour changer cela ?

  • Repenser la consommation: a-t-on vraiment besoin d’un nouveau smartphone chaque année ? Utilisez vos appareils électroniques (téléphones et ordinateurs portables) aussi longtemps que possible. Lorsque votre appareil ne fonctionne plus, vous pouvez vous en séparer en veillant à le déposer dans un point de recyclage. Saviez-vous que, selon les calculs de l’ONU, l’or contenu dans seulement 49 portables correspond à une tonne de minerai d’or ?
  • Transformez vos bijoux : vous pouvez facilement transformer en or vos bijoux démodés ou qui ne seraient plus à votre goût. La forêt tropicale vous en sera reconnaissante.
  • L’or n’est pas un bon investissement : l’or est-il vraiment un placement sûr en cas de crises financières ? Les experts le déconseillent. Et en plus, l’or n’est pas un placement financier éthique et responsable.
  • Partagez vos connaissances : alertez l’opinion sur l’usage de produits toxiques pour l’environnement dans les mines à ciel ouvert, la destruction de la nature et les conditions de travail inhumaines qui y prévalent. Vous pouvez également envoyer un signal fort et soutenir notre travail en signant nos pétitions comme « Président Macron : Non à la mine d’or industrielle en Guyane ! »

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